Société de gestion indépendante créée en 2000, Trusteam Finance vient de dépasser le milliard d’euros d’encours. La boutique attribue son succès à son positionnement original : investir dans les entreprises leaders de la satisfaction client. Dans un entretien à NewsManagers, Jérôme Blanc, le directeur du développement, fait le point sur les derniers développements et projets de la société.
NewsManagers : Vous venez de dépasser le milliard d’euros d’encours, alors que vous gériez 600 millions d’euros fin 2013. D’où vient votre croissance ?
Jérôme Blanc : Cette progression s’explique avant tout par la qualité de nos fonds et le positionnement différenciant de notre processus satisfaction client. Cela nous a permis d’enregistrer une collecte soutenue depuis plus de 3 ans auprès des investisseurs professionnels. En 2016, nous avons affiché des souscriptions nettes de 60 millions d’euros, et nous avons collecté ce même montant depuis le début de l’année. Ces bons chiffres sont également le résultat de notre stratégie de développement, qui se traduit par un renforcement des relations avec les clients institutionnels, une présence de plus en plus importante auprès des réseaux de distribution et nos premiers pas à l’international.
NM : Quel est le bilan de votre développement à l’international ?
J. B. : Il est plutôt bon. Nous avons commencé à nous développer à l’international en août 2015. Nous avons fait agréer nos fonds en Suisse en décembre 2015, puis en Belgique en mai 2016. En Suisse, nous avons reçu un très bon accueil de la part des tiers gérants. Il est en revanche plus difficile de pénétrer le segment de la banque privée qui fonctionne en architecture fermée. En Belgique, où nous avons fait agréer les fonds patrimoniaux Optimum et Roc Flex, nous avons eu un bon écho de la part des compagnies d’assurances. Par ailleurs, nous couvrons aussi le Luxembourg, notamment les compagnies d’assurance-vie locales, les family offices et Monaco. Nous commençons aussi à regarder l’Italie. Au total, environ 5 % de nos encours sont aujourd’hui gérés pour le compte d’une clientèle étrangère. Deux commerciaux couvrent ces marchés. Les investisseurs étrangers sont en tout cas assez sensibles à notre approche satisfaction clients qui est nouvelle et unique.
NM : Vous avez récemment annoncé vouloir accélérer le développement sur les conseillers en gestion de patrimoine indépendants. Comment procéderez-vous ?
J. B. : L’accélération du développement auprès des CGPI est déjà une réalité. Nous avons désormais deux personnes dédiées aux indépendants, qui se partagent la France entre le nord et le sud. Nous travaillons aussi avec cette clientèle par le biais des associations professionnelles, des compagnies d’assurances et des groupements d’indépendants. Nous estimons que notre offre répond bien aux attentes des indépendants. En effet, nous avons un fonds purement actions avec une histoire intéressante et deux fonds diversifiés avec des niveaux de risques bas (Trusteam Optimum : ISRR 2 & Trusteam ROC Flex : ISRR 3).
D’ores et déjà, 17 % de nos encours sont gérés pour le compte d’indépendants. Si cela augmente, nous recruterons une troisième personne afin de compléter notre maillage. Par ailleurs, nous réfléchissons à une offre de gestion sous mandat pour cette clientèle, qui verrait le jour au second semestre.
Nous proposons par ailleurs des formations pour les CGPI. Cela inclut des formations validantes pour la compagnie des CGPI et la CNCGP. Nous offrons notamment une formation métier de 3 heures pour expliquer la motivation et l’intérêt de la satisfaction clients et comment la mettre en oeuvre au sein d’un cabinet de CGPI.
NM : En avril 2015, Stéphane Toullieux est entré au capital de Trusteam Finance via sa société. Que cela vous apporte-t-il ?
J. B. : Stéphane Toullieux détient en effet 5 % de Trusteam via sa société de conseil (TLLX). Il fait partie de notre comité stratégique et nous aide à définir la stratégie. Il apporte son expérience à l’équipe.
NM : Qui sont les autres actionnaires de Trusteam ?
J. B. : Outre ces 5%, 75 % du capital sont aux mains de deux associés (Jean-Sébastien Beslay et Jean Luc Allain) et le solde est détenu par les salariés. Chaque salarié, après deux ans passés au sein de la société, se voit en effet proposer une part au capital. Cela permet d’impliquer et de motiver les équipes.
NM : Vous avez réalisé deux acquisitions ces dernières années (Alcyone Finance et Monte Paschi Invest). D’autres sont-elles à l’ordre du jour ?
J. B. : Nous n’avons pas d’autre opération en cours, mais nous restons ouverts à ce qui se passe.
NM : Vous avez récemment obtenu le label ISR pour vos fonds actions Trusteam ROC et Trusteam ROC Europe. Incluez-vous des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans votre processus de gestion ?
J. B. : Nous avons en effet reçu le label ISR pour notre approche, qui n’inclut pourtant pas de critères ESG à proprement parler. Mais il faut bien comprendre que, outre la satisfaction des clients, nous nous intéressons aussi à la satisfaction des salariés et des fournisseurs et nous regardons donc naturellement des critères extra-financiers. Au final, nos portefeuilles, de par notre approche, sont ISR. L’obtention de ce label confirme donc le fait que la satisfaction client est une déclinaison de l’ISR.
NM : Récemment, vous avez aussi élargi votre approche satisfaction clients à la sélection des obligations…
J. B. : Oui, et cela a plusieurs vertus. Cela permet de nous éloigner du risque de défaut. Ensuite, l’approche satisfaction clients apporte au portefeuille une plus grande diversification, en nous permettant de nous porter sur des émetteurs moins connus. Cela offre un petit rendement supplémentaire.
L’approche satisfaction clients concerne 30 % de la poche obligataire des fonds Roc Flex et Optimum. Nous avons l’intention de monter à 50 %, mais nous n’irons pas au-delà. En effet, cela nous couperait des émetteurs bancaires et du secteur des commodities, dont le niveau de satisfaction clients est assez faible, ce qui pourrait mettre en danger le portefeuille.
NM : Comment mesurez-vous la satisfaction clients ?
J. B. : Nous travaillons avec une quarantaine d’instituts de sondages ou cabinets de conseil qui nous fournissent des données. Par exemple, chaque année, nous menons une grande enquête de satisfaction avec notre partenaire Ipsos pour savoir quelles sont les entreprises favorites des clients européens. Nous interrogeons plus de 3,2 millions de clients sur 15 secteurs dans cinq pays (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni). Cela permet de découvrir des valeurs bien en amont. Par exemple, nous avons perçu très tôt un intérêt pour Amazon et Netflix. A contrario, avant le scandale Volkswagen, nous avions vu dans nos enquêtes que la société n’était pas en vogue. Nous nous appuyons aussi sur les données d’une vingtaine d’instituts de sondage mondiaux, ce qui nous permet d’avoir une base de données de près de 2.500 sociétés.
Une fois que l’enquête a permis de faire ressortir une liste de leaders (en général entre 150 et 200 entreprises), nous envoyons un questionnaire à ces entreprises pour savoir si elles connaissent vraiment bien leurs clients, si elles savent mesurer leurs attentes et gérer leurs insatisfactions. Nous avons en général environ 90 réponses. Sur ce total, nous réalisons ensuite une analyse financière, qui nous donne environ 50 valeurs éligibles en portefeuille.
NM : Vendez-vous votre base de données ?
J. B. : Non, nous ne la vendons pas. Mais beaucoup d’entreprises nous demandent de les conseiller. Ce que nous faisons, mais nous n’avons pas toujours les ressources pour le faire comme nous aimerions… Pourquoi ne pas un jour créer un bureau de conseil dédié à ces entreprises.
NM : Quels enseignements tirez-vous de vos études ?
J. B. : Une entreprise ne doit pas imposer ses produits. Elle doit être à l’écoute de ses clients. En effet, une entreprise sans client, c’est un hobby ! Nespresso, par exemple, avant de lancer ses dosettes, a réalisé une vaste étude pour savoir ce que voulaient les consommateurs. Les dosettes ne sont pas un produit d’ingénieur.
NM : Vous appliquez-vous ces enseignements ?
J. B. : Evidemment. Et pour nous améliorer, nous avons réalisé deux grosses études auprès des CGP pour savoir ce qu’ils recherchaient chez les sociétés de gestion. Nous avons également mis en place une charte client au sein des départements Développement & Gestion Privée.